Plaidoyer pour un constructeur

Ce billet pourrait s’intituler : « les procédures qui tuent », tant il est vrai que l’organisation du service des Mines chargé des réceptions de véhicules est source de situations aussi disparates qu’inextricables.

Pour faire simple, confier les homologations routières dites nationales à des directions régionales (DREAL*) conduit immanquablement à des différences d’interprétation des réglementations et des procédures, très fortement préjudiciables aux constructeurs concernés.

La liste des exemples précis est malheureusement très longue et les conséquences souvent graves pour l’entreprise. Gare à celle qui n’a pas les reins assez solides pour supporter les clients mécontents, les menaces de poursuites judiciaires allant jusqu’à la reprise de matériels dont le « barré rouge » n’est toujours pas disponible, sans parler des ventes qui ne seront pas signées, faute du fameux sésame.

Car les délais de traitement des dossiers peuvent aller de quelques semaines seulement à plusieurs années, fonction de l’approche pragmatique ou procédurière du correspondant DREAL.

Faux, répondra le chef de service face à un éventuel recours, nos délais sont de trois mois maximum !

Délai imposé par le ministère de tutelle, qui établit des moyennes d’efficacité, mais délai facile à tenir pour les procéduriers les plus zélés. Il s’agit pour eux d’un savant dosage entre le « dossier classé sans suite » au moindre document qui tarde, et le « dossier non recevable » qui ne sera pris en charge que lorsque la pièce explicitée en T1 aura été mise dans la chemise T2, ou autre broutille de présentation.

Aux deux extrêmes, il y a l’ingénieur des Mines qui préfère prendre en charge et ouvrir le dossier technique lors du premier rendez-vous, en votre présence et devant les machines, et le procédurier zélé qui refuse tout contact, y compris téléphonique, avant que le dossier complet ne soit jugé « recevable ».

Dans le premier cas, les corrections et compléments éventuels se font en réunion constructive et en une seule fois, dans l’autre cas le « dialogue de sourds » s’installe par courrier pour plusieurs mois ou années, avec à chaque fois la lettre officielle accompagnée d’une « diarrhée mentale » administrative, liste de deux pages de remarques auxquelles il faut répondre par écrit et point par point…

…Et pendant tout ce temps, le produit concurrent homologué sans difficultés dans une autre région prend votre marché, en usant quelquefois sans vergogne de l’argument décisif : « vous pouvez aller sur la route ! ».

Tout cela serait finalement de bonne guerre, il suffit de bien choisir sa DREAL de rattachement ? que nenni, s’ajoute un obstacle supplémentaire : un constructeur français doit se rattacher à la région de son siège social, contrainte à laquelle échappe le constructeur étranger, qui lui, a le choix. Cette règle bien que non écrite reste difficilement contournable et l’accès à l’ingénieur chevronné et pragmatique, professionnel rompu aux dossiers de véhicules agricoles, bénéficie aux privilégiés dont le siège social se situe en Europe hors du territoire national, ou aux entreprises disposant de plusieurs usines sur le territoire…

…Un coup dur pour nombre de petites et moyennes entreprises régionales, encore nombreuses et qui construisent en local, sans avoir la structure nécessaire pour affronter le parcours du combattant de cette procédure administrative.

Si les différences de traitement des constructeurs sont manifestes, s’ajoute comme si cela ne suffisait pas des écarts d’interprétations des textes qui défient l’imagination.

Du plus petit détail sans importance au ravin béant, les divergences ont des conséquences visibles sur les foires et expositions, mais « plombent » surtout la logistique et la comptabilité des entreprises, quelques exemples :

Alors que tous les intervenants se sont mis d’accord pour valider l’installation moteur à partir d’un document signé conjointement par le motoriste et le fabricant d’automoteurs, une DREAL persiste à exiger des essais officiels UTAC* de contre pression d’échappement et dépression d’admission à puissance maximum. Sur une machine agricole, c’est déjà de la haute voltige à mettre en place, et extrêmement coûteux, encore une fois aux frais du constructeur local.

La définition des types, variantes et versions (TVV) des machines présentes au dossier est un autre poème. Calquée sur la Directive européenne 2003/37, cette définition devrait être source d’harmonisation. Mais que veut dire : « châssis, pas de différences évidentes et fondamentales » ? Pour les enrouleurs d’irrigation par exemple, ce sera tous les châssis bipoutre en V dans le même dossier pour la plupart des opérateurs, mais un dossier par modèle pour d’autres, et oui, les dimensions sont différentes, c’est évident, non ?

Quant aux « versions », elles sont laissées à discrétion du constructeur pour différentier ses machines s’il le souhaite. Des propositions sont formulées dans la procédure nationale, que faire lorsque ces propositions deviennent des exigences, et qu’il s’agit d’un système de freinage de véhicule remorqué équipé d’un récepteur mixte hydraulique et pneumatique ? Le TVV apparaît sur la carte grise, la version hydraulique sera donc un véhicule différent de la version pneumatique, très pratique n’est-ce pas en cas d’utilisation à plusieurs… et la DREAL de maintenir son exigence, en répondant par écrit et sans sourciller que le passage d’une version à l’autre nécessitera une RTI (réception à titre isolé), alors que les deux systèmes ont été validés dans le dossier-type !

Face à ces comportements incompréhensibles, inutile de lutter, celui qui tient le stylo a forcément le dernier mot, toute contestation ne fait que retarder la signature… et le client attend son barré rouge.

Lors de la mise en place de l’immatriculation à vie pour les véhicules agricoles (1er janvier 2013 pour les véhicules remorqués), le sujet des homologations est devenu la priorité absolue, et le rattrapage consécutif à un demi-siècle de négligences a alimenté les polémiques. Les assurances sont également entrées dans le jeu en exigeant le « barré rouge », le conseil agricole, la vulgarisation et les médias spécialisés ont incité les clients à n’acheter que des véhicules homologués.

Mon message lors d’échanges ou de conférences reste plutôt le suivant : « n’assassinez pas les constructeurs, les DREAL s’en chargent ! ».

* Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement

* Union Technique de l'Automobile, du motocycle et du Cycle 

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