Le mythe de la moissonneuse batteuse du futur, articulée et de grosse capacité, formaté par de récentes études de style et de concepts restés au format 3D est enfin devenu réalité. Il se nomme Tribine et sera présenté dans quelques jours aux États Unis lors du salon Ag Connect de Kansas City (Missouri).
Une idée venue d'hier
Beaucoup y croyaient déjà dans les années 1980, à commencer par John Deere. Pour sécuriser ses développements internes et d'une certaine manière empêcher la concurrence de s'accaparer ses propres idées, l'américain dépose de nombreux brevets, dont celui de Franz W. Riedlinger, originaire de Horizontina au Brésil. Ce dernier prévoyait en 1982 le développement d'une moissonneuse batteuse à rotor, avec partie postérieure dédiée au stockage du grain (photo 1 ). Un concept fort intéressant mais trop avant-gardiste qui n'a à ce jour pas encore été exploité.
Ce sont les russes qui ont concrétisé pour la première fois une moissonneuse dépourvue de trémie. Le Gomselmash KZR (photo 2 ) est un tracteur automoteur qui dispose d'un relevage avant supportant à la fois la barre de coupe et les organes de battage, de séparation et de nettoyage. Le grain était alors expédié dans une benne transbordeuse attelée derrière. Les capacités de cet appareil sont trop limitées et le seul réel intérêt aujourd'hui est de pouvoir disposer de l'automoteur pour d'autres utilisations le restant de l'année. On se souvient alors des Laverda MX, dotées d'un groupe batteur-séparateur frontal avec système de nettoyage réduit et trémie de 9000 litres. Malgré son échec commercial, ce concept tentait dans les années 1980 de donner davantage d'importance à l'autonomie.
Plus récemment, ce sont des designers, tel que Henry Parnell, étudiant en design à l'université de Conventry qui ont redéfini les priorités de la moissonneuse batteuse de demain (photo 3 ). Avoir une large barre de récolte, certes, mais surtout ne pas dépendre d'autres véhicules en ayant une autonomie suffisante pour effectuer un aller-retour complet dans de grandes parcelles. Pour ne pas contrecarrer l'aspect agronomique mis en avant par l'absence de transbordeur ou bennes, celle-ci se doit de bien répartir sa charge non pas sur deux essieux mais quatre. Une usine à gaz me direz-vous? Comme tout concept, c'est une vitrine et une vraie source d'inspiration pour le groupe AGCO, commanditaire de cette étude.
Jusqu'à 28 tonnes de capacité
Pour Ben Dillon, le futur c'est aujourd'hui. Cet agriculteur "Géo Trouvetou", producteur de soja et de maïs dans l'Indiana est titulaire d'un diplôme en économie agricole, a passé des années à travailler dans les affaires avant de retourner exploiter sa ferme. Mais Ben est surtout connu pour avoir déposé 28 brevets depuis 1997 et développé différentes machines futuristes, dont la CX1000, une articulée sur base d'Axial Flow. Diverses réalisations ou modifications sur bases de machines Case IH ont vu le jour depuis une quinzaine d'années. Dans le but d'accroître l'autonomie de son AFX8010, Ben l'a doté d'un essieu arrière à roues folles et d'une trémie trainée avec essieu suiveur. C'est plus de 500 à 1000 boisseaux (soit 35.000 litres) gagnés en plus de la trémie d'origine. Un avantage considérable, notamment lors de la récolte de maïs en condition humide.
Aujourd'hui, la Tribine représente la quatrième génération de machine qu'il a développé et certainement la plus aboutie. L'auteur de cette magnifique réalisation reste discret sur le principe de battage, mais il semblerait que la base de la machine soit une Gleaner S77 à rotor transversal (machine non commercialisée en France). Il s'agit d'une machine de classe VII, motorisée par un moteur de 375 à 400 chevaux. La Tribine est articulée en son centre, pour une meilleure répartition des charges, notamment lorsque les 28 tonnes de capacité de trémie sont atteintes. Aussi lourde à vide qu'une machine supérieure de classe VIII, cette machine repose sur quatre pneumatiques basse pression de dimensions égales pouvant travailler en crabe pour ne pas passer au même endroit. Elle dispose d'une vis de vidange arrière repliable de 558 mm de diamètre, pour un déversement complet en moins de deux minutes.
Encore à l'état de prototype, cette impressionnante machine a été testée cet automne et nécessite encore des modifications, notamment au niveau de sa direction et de l'éparpilleur.
